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Conférence - "Quel regard porte-t-on sur l’agriculture ? Est-elle une cause ou une solution ?"

Le 11/10/2023 à 10:37 I Soyez le 1er à déposer un commentaire
Conférence - 

Lors des Géopolitiques de Nantes, samedi, une conférence a permis de débattre de la sécurité alimentaire, où Jordy Bouancheau, Jeunes Agriculteurs, a pu rappeler quelques réalités.

« Sécurité alimentaire : quelle agriculture face au changement climatique »…  Un thème « électrique » face à un public essentiellement urbain que celui de Nantes ! Mission accomplie pour Jordy Bouancheau, membre du conseil des Jeunes Agriculteurs. La partie n’est pas facile face à une salle comble. Il a même fallu changer de salle tant les visiteurs étaient nombreux. Même assis par terre, certains se sont vus opposés une porte close. Le sujet intéresse donc ! L’agriculteur vendéen en polyculture élevage a pu apporter un témoignage concret, osant gratter là où ça pique. Le glyphosate ? Jordy Bouancheau n’a pas hésité à expliquer que la molécule lui était indispensable pour lutter contre les adventices. Frissons dans l’assemblée ! 

Changement climatique, s’adapter à un nouveau contexte

Sylvie Matelly, animatrice de la table ronde et directrice adjointe de l’Iris, a posé la problématique : « l’agriculture produit une part importante des émissions de CO2, elle travaille aussi sur le temps long. L’agriculture est directement confrontée au changement climatique ». Jordy Bouancheau a posé l’équation autrement : « quel regard porte-t-on sur l’agriculture ? Est-elle une cause ou une solution ? Je suis persuadé qu’elle est une solution sur plein de sujets, aussi sur le changement climatique. Le territoire est mon outil de travail, je suis le premier concerné par le changement climatique. Le climat fait fluctuer les prix du marché. Pour s’adapter au changement climatique, il faut innover, travailler sur de nouvelles plantes pour réduire notre besoin en eau, adapter notre matériel… Mais se pose la question des prix. Les JA demandent la sécurisation du prix à la production car on doit pouvoir vivre de notre métier, se donner de la lisibilité, d’adapter aux nouveaux enjeux environnementaux. C’est pour cela que nous demandons une contractualisation pour nous déconnecter des marchés. On doit pouvoir être décideur pour construire nos prix en marche avant. Il faut que l’acte d’achat alimentaire soit prioritaire ». Et l’assemblée des urbains applaudit !

Les innovations, la planche de salut ?

Toutes les solutions aux dérèglements climatiques passent-elles par la science ? « L’approche agricole, environnementale et alimentaire doit être prise comme une approche systémique. Vous ne pouvez pas agir à un seul endroit. Pour les équipements, il faudra du matériel qui consomme moins et plus petit. Il faudra un changement organisationnel. Aujourd’hui, la majorité des produits sont vendus dans des circuits extrêmement longs. La valeur doit être plus justement répartie entre le producteur, l’intermédiaire et la distribution. Le monde agricole change : le nombre de chefs d’exploitation baisse et le nombre de salariés augmente avec la création de sociétés agricoles », a analysé Véronique Saint-Ges, de l’Inrae. 

L’impact des changements climatiques est lourd, une lame de fond… qui a parfois du mal à s’acclimater avec les divers pas de temps. Le travail génétique sur un troupeau est l’affaire d’une carrière professionnelle, rappelait l’éleveur… En face, les consommateurs sont parfois versatiles. « Depuis dix ans, on doit répondre à des attentes sociétales, avec plus de bio. Mais depuis deux ans, les agriculteurs les plus en difficulté sont les agriculteurs bio car les consommateurs ne sont plus là. Il y a parfois des incohérences entre les attentes sociétales et les attentes des consommateurs. Le métier d’agriculteur change, nous avons de nombreuses missions dont celles de produire l’alimentation, de faire vivre une économie des territoires, d’entretenir le paysage… », a exposé le JA. En rappelant à son auditoire une vérité sur le lien entre agriculture et environnement : « une tonne de carbone est capturée avec une prairie naturelle entretenue. 250 kg de carbone sont capturés avec une prairie naturelle non entretenue ». 

Alors, cause ou solution ? 

Delphine Cordaz

 

Sécurité, souveraineté ou autosuffisance alimentaire

La conférence a débuté par une petite leçon sémantique entre des concepts utilisés parfois de façon légère. Les conférenciers ont ainsi rappelé que sécurité, souveraineté et autosuffisance alimentaire n’étaient pas synonymes. La sécurité alimentaire permet de « fournir au niveau des individus une quantité de nourriture suffisante, saine et accessible physiquement et économiquement », a expliqué Véronique Saint-Ges, de l’Inrae. Et de compléter : « la souveraineté alimentaire est de trouver dans un même lieu, un même territoire, une autonomie alimentaire ». Mais l’autosuffisance alimentaire est différente de la souveraineté, car « un peuple peut décider de tout importer », a ajouté Pierre-Marie Aubert, de l’Institut du développement durable et des relations internationales. « La question qu’on doit se poser est quelles dépendances on veut ? Les choisir ou être autosuffisant, se les faire imposer, y consentir ? Quel degré d’autosuffisance je veux, et sur quelles filières (lesquelles je veux privilégier à l’export). Autant être dépendant de ses amis ! Le cas chinois est intéressant car ils ont intégré une stratégie de consommation alimentaire en choisissant leur dépendance », a illustré Marina Pourrias, du Club Demeter. 

Jordy Bouancheau a rappelé aussi qu’« avoir une assiette pleine et tout le temps est une chance. La souveraineté alimentaire n’est possible que s’il y a des agriculteurs. Pour cela, on a besoin de lignes politiques claires pour pouvoir se projeter. On a un enjeu fort : le quantitatif, tout en maintenant le qualitatif ». 

L’inflation sur les prix alimentaires vient rebattre les cartes, aussi en France, où l’accès aux denrées s’en retrouve chamboulé. 

 

 

Un commerce entre blocs plutôt que sur les marchés

« Deux mondes se fragmentent avec un fonctionnement en bloc. Le commerce intra-bloc a plus progressé que le commerce inter-bloc », a annoncé Marina Pourrias, experte associée au club Demeter. Effet accélérateur dû à la guerre en Ukraine ? En tout cas, le commerce sur les denrées alimentaires se fait maintenant plus uniquement sur les marchés internationaux. « Il se développe des circuits qui se connectent d’État à État. Un corridor du blé se créé entre la Russie et la Chine. L’État indien a négocié 9 millions de tonnes de blé directement avec l’État russe à un prix inférieur aux cours mondiaux. Beaucoup d’États créent des hubs autour des céréales et les traders voient leurs parts de marché diminuer », a-t-elle détaillé.

   

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