Un projet européen en viticulture, maraîchage et grandes cultures cherche à développer l’autonomie des robots et des outils du travail de sol.

Pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre en agriculture, un projet européen d’une durée de quatre ans a vu le jour en 2020 : Robs4Crops piloté par l’Université de Wageningen (Pays-Bas) et réunissant seize partenaires. L’objectif est de développer à grande échelle la robotique et l’automatisation dans l’agriculture européenne, de penser un système robotique global avec des outils intelligents et des véhicules autonomes. Pour cela, quatre pays ont mis en place des essais : les Pays-Bas, l’Espagne, la Grèce et la France. Le budget global : 7,9 millions d’euros. 

En France, Terrena est chef de pont avec ses deux filiales LVVD (vigne) et Cécoval (maraîchage). « Nous sommes responsables des expérimentations menées en désherbage mécanique en vigne et en légumes. En 2019, quand l’Université de Wageningen nous a contactés pour ce projet, nous avons demandé à travailler avec l’entreprise toulousaine Agreenculture. Le projet est dans sa troisième année et se terminera au 31 décembre 2024 », précise Bertrand Pinel, responsable Innovation à Terrena. 

A ce stade, l’expérimentation porte uniquement sur le désherbage mécanique en vigne. « Les essais en maraîchage pourraient démarrer à l’automne. » Pour ce travail, LVVD a sélectionné des viticulteurs du vignoble nantais jusqu’à la Touraine afin d’avoir un panel de vignes étroites et larges. « Nous n’avons eu aucune difficulté à recruter car les viticulteurs sont plutôt très demandeurs de ces technologies. Ils sont conscients qu’elles peuvent être une solution face au manque de main-d’œuvre qui est encore plus prégnant lorsque le désherbage est mécanique plutôt que chimique. En moyenne, on dit qu’un désherbage mécanique demande cinq à sept passages alors qu’avec un pulvé, c’est 1,5 passage », souligne Bertrand Pinel. En 2022, dix viticulteurs ont participé à l’expérience. « Cette année, nous avons voulu réduire la voilure pour mener à bien ce travail. Cette année, nous collaborons avec cinq viticulteurs, un dans le Nantais deux en Anjou et un dans le Saumurois. Nous travaillons également en partenariat avec l’Institut français de la vigne et du vin de Montreuil-Bellay. »

Des sessions de co-design

Dans le cadre de Robs4Crops, des travaux sont menés pour rendre intelligents les outils que le robot Ceol d’Agreenculture va tracter. Pour cela, ils sont bardés de capteurs (vitesse, profondeur de travail du sol, etc.) et d’une connexion avec le cerveau du robot. En effet, le robot sait prendre les virages, ne pas abîmer les rangs ni les ceps… mais il ne sait pas si l’outil derrière lui fait bien le travail. L’enjeu est donc que les données aillent de l’outil au robot afin « de rendre intelligent tous ces outils », indique Luc Dejonghe, chef de projet Robs4Crops à Terrena. Plusieurs outils ont été testés : décavaillonneuse, outil à disques, broyeur interrang, doigts Kress. Jusqu’alors, ce sont des techniciens et experts qui mettent en route le robot. « L’enjeu de cette année est de mettre le robot dans les mains des viticulteurs », confie Bertrand Pinel. Les avantages du robot Ceol sont le faible coût annoncé et sa petite taille, notamment. « Nous sommes très confiants sur l’aboutissement de la technologie d’Agreenculture. Nous espérons qu’elle soit mise sur le marché rapidement avec une construction industrielle. » 

Ce projet européen Robs4Crops permet à tous les maillons de participer au développement de nouvelles technologies « intelligentes », notamment au travers de sessions de co-design lors desquelles tous les acteurs sont mis autour de la table pour réfléchir à diverses problématiques. « D’autres questions arrivent : ces outils posent la question de l’interface, du stockage des données et de propriété des données. Par exemple, comment éviter à un viticulteur qui a d’autres outils de gestion de données de devoir saisir de nouveau les mêmes données ? Et il demeure la question de la réglementation qui n’est pas encore finalisée, que ce soit au niveau national ou européen. »

Estelle Bescond